FERROKA – L’Épreuve de Force

Kaelos Drak, le Seigneur de Guerre de Ferroka, était un colosse forgé par les batailles, un conquérant dont le nom seul inspirait la crainte. Ses exploits étaient légendaires, ses victoires gravées dans la mémoire des peuples. Pourtant, ce jour-là, dans l’arène de pierre noire où il avait tant triomphé, il se sentait impuissant.

L’arène, habituellement emplie des cris de la foule et du cliquetis des armes, était étrangement silencieuse. Seul le vent sifflait entre les colonnes, portant avec lui une odeur de mort et de trahison. À ses pieds, gisaient les corps de ses propres hommes, des guerriers qu’il avait lui-même entraînés, des frères d’armes qui avaient juré de servir Ferroka jusqu’à leur dernier souffle.

Ils ne s’étaient pas battus contre un ennemi extérieur. Non, ils s’étaient entre-tués, déchirés par une division insidieuse. Deux factions avaient émergé au sein de l’armée : ceux qui restaient fidèles au pouvoir du sang, à la tradition guerrière de Ferroka, et ceux qui avaient succombé à l’appel de l’argent noir, le SECRET.

Kaelos serra les poings, ses cicatrices anciennes semblant brûler sous la colère qui l’envahissait. Il avait affronté des armées entières, terrassé des bêtes monstrueuses, mais jamais il n’avait été confronté à une menace aussi insaisissable. Le SECRET n’était pas une épée qu’on pouvait briser, ni un ennemi qu’on pouvait écraser sous son bouclier. C’était une idée, un poison qui se répandait dans les esprits.

— Faites venir les traîtres survivants, ordonna-t-il d’une voix rauque, brisant le silence oppressant.

Quelques minutes plus tard, trois combattants blessés furent traînés devant lui. Leurs armures étaient souillées de sang et de poussière, leurs visages marqués par la douleur et la défaite. Mais dans leurs yeux, Kaelos ne vit ni peur ni remords. Seule une lueur de défi, presque de triomphe.

— Qui vous a donné cet or noir ? tonna-t-il, sa voix résonnant comme un coup de tonnerre dans l’arène.

L’un des prisonniers, un jeune guerrier au visage tuméfié, releva la tête avec difficulté. Un sourire ironique se dessina sur ses lèvres ensanglantées.

— On ne peut pas tuer une idée, Seigneur de Guerre, murmura-t-il, sa voix faible mais pleine de conviction. Vous pouvez nous exécuter… mais il est déjà trop tard.

Kaelos sentit une vague de rage submerger son esprit. Il fit un signe à ses gardes, et les traîtres furent exécutés sur-le-champ, leurs corps s’effondrant dans la poussière de l’arène. Pourtant, malgré la rapidité de l’acte, les mots du jeune guerrier résonnaient encore dans sa tête, insidieux et persistants.

Et si le prisonnier avait raison ?

Kaelos se tourna vers l’horizon, où les montagnes de Ferroka se découpaient sous un ciel plombé. Une peur sourde grandissait en lui, une peur qu’il n’avait jamais connue, même face à la mort. Le SECRET n’était pas une armée qu’on pouvait affronter sur un champ de bataille. C’était une force invisible, une corruption qui rongeait les fondements mêmes de son royaume.

Il savait que cette journée n’était qu’un début. Les Disciples de l’Ombre, comme ils se faisaient appeler, ne se contenteraient pas de semer la discorde dans son armée. Ils chercheraient à renverser l’ordre établi, à remplacer les anciennes traditions par leur nouvelle doctrine.

Kaelos Drak, le titan de Ferroka, sentit pour la première fois le poids de l’incertitude. Et dans le silence de l’arène, il se demanda s’il pourrait vraiment gagner cette guerre. Une guerre où l’ennemi n’avait pas de visage, mais où chaque défaite était une victoire pour le SECRET.