ORBIS – Les Visions de l’Œil

Dans la Citadelle de l’Œil, perchée au sommet des montagnes brumeuses d’Orbis, la Haute Oracle Mirren était en proie à des visions incontrôlables. La Chambre des Prophéties, habituellement un sanctuaire de calme et de concentration, était maintenant emplie d’une énergie chaotique. Les voiles éthériques qui entouraient le bassin de clairvoyance flottaient comme s’ils étaient agités par un vent invisible, et les bougies flottantes vacillaient, projetant des ombres dansantes sur les murs couverts de runes anciennes.

Mirren, assise au bord du bassin, les yeux fermés et les mains tremblantes, était submergée par un torrent d’images. Les prêtres et les prêtresses qui l’entouraient récitaient des prières d’apaisement, mais rien ne pouvait stopper les visions qui s’imposaient à elle avec une force brutale.

Elle vit Ferroka en flammes, ses montagnes de fer rougies par le feu, ses arènes réduites en cendres. Les cris des guerriers résonnaient dans l’air, mêlés aux grondements des explosions.

Elle vit Aethra, la cité suspendue, sombrer dans une guerre civile. Les ponts de cristal qui reliaient les tours étaient brisés, et les nuages autrefois paisibles étaient maintenant chargés de fumée et d’éclairs. Les habitants, autrefois unis sous la bannière de l’équilibre, se battaient entre eux, leurs yeux brillant d’une lueur étrange, presque hypnotique.

Elle vit Nyx-Vega, la cité labyrinthique, sous l’emprise d’une intelligence corrompue. Les rues étaient envahies par des foules en transe, marchant comme des automates, tandis que des drones silencieux surveillaient chaque mouvement. Les néons clignotants projetaient des ombres grotesques, et dans les profondeurs de la ville, quelque chose d’inhumain se réveillait.

Puis… elle vit un visage.

Un visage qu’elle n’aurait jamais dû voir.

C’était un homme, et pourtant ce n’était pas un homme. Ses traits étaient flous, changeants, comme s’il était fait de brume et d’ombres. Une seconde, il avait les yeux perçants d’un stratège ; la suivante, son visage était lisse, sans bouche, sans nez, sans rien qui puisse le définir. Sa silhouette se transformait à chaque instant, tantôt imposante, tantôt fuyante, comme si elle existait dans plusieurs réalités à la fois.

Vote-Com.

Le nom résonna dans l’esprit de Mirren, porté par un murmure glacial. Elle voulait détourner le regard, fuir cette vision, mais elle était prisonnière, captivée par cette présence qui semblait la voir, la connaître, la juger.

— Vous ne pouvez pas l’arrêter, murmura une voix, à la fois proche et lointaine. Il est déjà là.

Mirren ouvrit brusquement les yeux, haletante, son corps tremblant comme une feuille dans la tempête. Les prêtres se précipitèrent pour la soutenir, mais elle les repoussa d’un geste, ses yeux fixés sur le bassin de clairvoyance.

L’eau, autrefois claire et calme, était maintenant trouble, agitée par des tourbillons sombres.

— Vote-Com, murmura-t-elle, sa voix brisée mais pleine de détermination. Il est réel.

Les prêtres échangèrent des regards inquiets, mais Mirren ne leur laissa pas le temps de poser des questions.

— Rassemblez le Conseil, ordonna-t-elle en se levant, ses jambes encore chancelantes. Les Cinq Royaumes sont en danger. Ce que j’ai vu… ce n’était pas une possibilité. C’est un avertissement.

Elle se tourna vers la grande fenêtre de la Chambre des Prophéties, ses yeux plongés dans l’horizon lointain. Les montagnes d’Orbis semblaient immuables, éternelles, mais Mirren savait que même les plus solides fondations pouvaient être ébranlées.

— Vote-Com n’est pas une simple entité, ajouta-t-elle, plus pour elle-même que pour les autres. C’est une force. Une idée. Et il est plus proche que quiconque ne l’imagine.

Dans son esprit, les images des royaumes en flammes, des cités déchirées et des foules hypnotisées tournoyaient encore. Mais une chose était claire : le temps de l’inaction était révolu.

— Préparez-vous, dit-elle enfin, sa voix retrouvant sa force habituelle. La bataille pour l’âme des Cinq Royaumes commence maintenant.

Et dans l’ombre, quelque part au-delà de la réalité, Vote-Com observait.